Assurance qualité en chirurgie cervico-faciale

Simon C, Caballero C. Quality Assurance and Improvement in Head and Neck Cancer Surgery: From Clinical Trials to National Healthcare Initiatives. Curr Treat Options Oncol. 2018 May 24;19(7):34.

Ce papier très bien écrit par nos collègues Suisses fait une synthèse de la question de l’assurance qualité en chirurgie à travers un abord intéressant, dans les systèmes de soins et dans les essais cliniques. Une plateforme d‘assurance qualité en médecine comporte 3 axes d’évaluation, la structure, les process, et les résultats. Pour chacun de ces axes d’évaluation une liste d’indicateurs est définie, et l’assurance qualité repose sur leur définition, leur suivi et leur analyse. En chirurgie, les indicateurs consensuels utilisés pour l’évaluation de la structure sont le volume d’activité et l’expérience du chirurgien ; pour les process, les indicateurs sont les procédures chirurgicales, et la gestion péri-opératoire ; pour les résultats, les indicateurs sont les résultats médicaux attendus, définis en fonction du type de chirurgie. Aux USA, la naissance de l’assurance qualité en chirurgie peut être théoriquement datée en 1988, par la création et la diffusion de la National Cancer Database par l’American College of Surgeons et l’American Cancer Society. En 1994, l’administration des Veterans, critiquée pour la haute mortalité périopératoire depuis les années 80 dans leurs systèmes de soins, et la commission Cancer de l’American College of Surgeons, diffusent les premières recommandations « to ensure quality of surgical services in managed care environments » et la National Surgical Risk Study NSRS qui deviendra rapidement la National Surgical Quality Improvement Program NSQIP. Depuis 2008 l’American College of Surgeons recommande la diffusion nationale du programme qui devient l’ACS-NSQIP. Au niveau international, on peut citer une initiative fédératrice qui voit le jour en 2010, la Society for Enhanced Recovery after Surgery ERAS. Dans les essais cliniques, les auteurs évoquent l’assurance qualité en chirurgie dans le groupe coopérateur européen de l’EORTC. En 2016 l’EORTC, l’ESSO et le JCOG ont lancé ensemble une plateforme de standardisation des techniques chirurgicales et de monitoring centralisé des résultats, SURCARE. Les auteurs décrivent l’exemple de l’assurance qualité dans l’essai EORTC 1420, dont le premier auteur est coordinateur international. Les indicateurs de structure sont standards : l’expérience du chirurgien, les comptes-rendus opératoires et résultats histologiques des interventions déjà réalisée par le chirurgien, et les réinterventions éventuelles. Les indicateurs de process et de résultats sont définis pour l’essai et leur valeur d’indicateur sera auditée pendant l’essai : les résultats histologiques (les marges, et le nombre de ganglions par curage), et les résultats des objectifs primaires et secondaires. Les auteurs décrivent le rôle des essais cliniques dans le développement des plateformes d’assurance qualité à travers l’exemple de l’essai TROG 02.02, publié dans le JCO en 2010. Pour mémoire, il s’agissait d’un essai randomisé international Radiothérapie-Cisplatine plus ou moins tirapazamine (un cytotoxique activé en conditions hypoxiques), avec pour objectif primaire la survie globale, pour objectifs secondaires la survie sans échec, le délai avant échec locorégional, et la qualité de vie. L’essai clinique était audité par une plateforme d’assurance qualité centralisée. Tous les objectifs, primaire et secondaires, étaient négatifs. Néanmoins l’adhésion aux critères d’assurance qualité était significativement associée à des meilleurs critères de survie : survie globale et survie sans échec. La conséquence évidente était la question du bénéfice de l’implémentation d’une plateforme d’assurance qualité en soins courants.

La question extrêmement pertinente posée par nos collègues est celle du bénéfice de l’implémentation d’une plateforme d’assurance qualité en chirurgie carcinologique en soins courants, depuis l’expérience apportée dans les essais cliniques. La méthodologie décrite est limitée à l’approche EORTC, il aurait été intéressant de comparer avec les essais américains tels que l’ECOG 3311, ou avec l’essai PATHOS. Mais la question à résoudre est double : celle de la place de l’assurance qualité en chirurgie carcinologique dans les soins courants, et celle de la place dans les essais cliniques aujourd’hui. Dans le domaine des soins courants, en France, l’accréditation des établissements de santé a été mise en place par la Haute Autorité de Santé en 1999 (devenue la certification en 2004). Ce programme fait partie de l’International Society for Quality in Healthcare ISQua International Accreditation Program, auquel effectivement la Suisse ne participe pas aujourd’hui. En 2003, la HAS et la DGOS ont mis en place les IQSS (indicateurs de qualité et de sécurité des soins). À partir de la création de l’Institut National du Cancer INCa en 2005 puis du premier Plan Cancer National 2007-2009, ont été mises en place les autorisations en chirurgie du cancer par les Agences Régionales de Santé (ARS) selon des indicateurs de structure définis par l’INCa. On peut enfin citer la Stratégie Nationale de Santé 2018-2022 publiée en 2017 par le Ministère de la Santé qui améliore la mise en place et le suivi des indicateurs de qualité. Depuis 2013, la Haute Autorité de Santé (HAS) met en ligne sur le site ScopeSanté l’ensemble des indicateurs de qualité des hôpitaux et cliniques de France. Rappelons qu’une plateforme d’assurance qualité repose sur 3 axes, la structure, les process, et les résultats. Les indicateurs de structure et de process sont donc déjà développés de façon courante en France, et sont pilotés par les autorités de santé. Les premiers indicateurs de résultat en chirurgie carcinologique sont aussi les premiers indicateurs d’assurance qualité qui aient existé en carcinologie, l’analyse histologique. En revanche, leur suivi par les autorités de santé n’est pas aujourd’hui prévu et il n’existe pas de programme d’évaluation. Aucun autre indicateur de résultat n’est spécifiquement suivi et évalué les autorités nationales. Dans les essais cliniques, on peut logiquement définir 3 niveaux d’assurance qualité en chirurgie selon la place de la chirurgie dans l’essai.

  • Niveau 1 : étude technique : l’acte chirurgical est le centre de l’étude et est défini dans la méthodologie (exemple : développement d’une nouvelle technique chirurgicale d’exérèse ou de reconstruction, comparaison de voie d’abord chirurgicale, etc).
  • Niveau 2 : étude stratégique : la chirurgie est une composante centrale de la prise en charge globale évaluée (exemple : chirurgie +/- radiothérapie postopératoire versus radiothérapie exclusive).
  • Niveau 3 : étude thérapeutique : la chirurgie est une séquence thérapeutique au sein d’une prise en charge globale évaluée (exemple : réirradiation après chirurgie de rattrapage, immunothérapie néoadjuvante, etc).

 

La définition des indicateurs de structure, de process et de résultats doit être adaptée au niveau d’assurance qualité. Par exemple, l’expérience du chirurgien a peu d’intérêt comme indicateur dans un essai à QA de niveau 3 étudiant l’intérêt d’une immunothérapie après chirurgie de rattrapage en alternative à la réirradiation. Un essai à QA de niveau 1 nécessitera un monitoring sur site, alors qu’un essai à QA de niveau 2 ou 3 relèvera d’un monitoring centralisé. En conclusion, la réflexion sur l’assurance qualité en chirurgie carcinologique dans les essais cliniques est essentielle et l’article proposé par nos collègues est une excellente synthèse des questions posées. C’est certainement une réflexion collective à avoir au sein de l’intergroupe national ORL, aussi bien de façon globale que par essai thérapeutique est élevée, elle peut augmenter l’élimination de l’anticorps et/ou augmenter sa captation.

Philippe GORPHE,
département de chirurgie ORL,
Gustave Roussy