Radiothérapie avec cisplatine ou cetuximab dans les cancers de l’oropharynx de bas risque HPV positifs (De-ESCALaTE HPV) : essai ouvert de phase 3 contrôlé et randomisé Hisham Mehanna, et al. Lancet. 2018 Nov 15. pii: S0140-6736(18)32752-1
Justificatifs et objectifs
L’incidence des cancers de l’oropharynx liés à l’HPV est en augmentation rapide. Le cetuximab, anti-EGFR, est ici proposé comme une désescalade thérapeutique comparé au cisplatine afin de réduire la toxicité, sans données comparatives randomisées comparant les deux traitements systémiques en association à la radiothérapie.
Méthodes
Il s’agit d’une étude de phase III multicentriques (32 centres dont 30 au Royaume-Uni) incluant des patients d’au moins 18 ans atteints d’un cancer de HPV positif de l’oropharynx de bas risque (nonfumeurs ou sevrés à moins de 10 paquets-années), pouvant être randomisés en 1:1 pour recevoir une radiothérapie (70 Gy en 35 fractions) en association soit au cisplatine 100 mg/m² aux J1-J22 et J43, soit du cetuximab 400 mg/m² en dose de charge suivi de 7 injections hebdomadaires à 250 mg/m². L’objectif principal était l’évaluation de la toxicité sévère (grade 3 à 5) à 24 mois de la fin du traitement. Les critères secondaires étaient : toxicité aiguë sévère à 3 mois, Toxicité aiguë tardive à 3 mois ou plus, Qualité de vie selon EORTC QLQC30 et HN35, la xérostomie, la survie globale et la survie sans progression, le ratio coût/efficacité.
Résultats
Entre Novembre 2012 et Octobre 2016, 334 patients ont été inclus avec 166 dans le bras cisplatine et 168 dans le bras cetuximab, sans déséquilibre entre les 2 bras. L’âge médian était de 67 ans avec 80% d’hommes. Il y avait 65% de T1/T2 et 76% de N2/N3. La radiothérapie a été délivrée en totalité pour 96% des patients. Les 3 cycles de cisplatine ont été administrés pour 38% des patients, et 51% en ont reçu deux ; avec 84% des patients ayant reçu au moins 200 mg/m². Les 8 cycles de cetuximab ont été administrés à 79% des patients. A 24 mois, les taux globaux de toxicité (aigues et sévères) n’étaient pas différents entre les 2 bras : nombre médian d’évènements par patients de 4,8 [IC95% 4,2–5,4] avec le cisplatine versus 4,8 [4,2–5,4] avec le cetuximab ; p = 0,98. A 24 mois, le taux global de toxicité tous grades confondus n’était pas différent entre les 2 bras : nombre médian d’évènements par patients de 29,2 [IC95% 27,3–31,0] avec le cisplatine versus 30,1 [IC95% 28,3–31,9] avec le cetuximab ; p = 0,49). Il existait par contre une différence significative concernant le taux de survie globale à 2 ans en faveur du cisplatine : 97,5% versus 89,4%, HR 5,0 [IC95% 1,7–14,7] ; p = 0,001) et sur le taux de rechute à 2 ans : 6,0% versus 16,1%, HR 3,4 [IC95% 1,6–7,2] ; p = 0, 0007).
Analyse
Comparé au schéma standard associant le cisplatine à la radiothérapie, le cetuximab ne réduit pas le taux de toxicités aiguës et tardives mais impacte négativement le contrôle local et la survie globale à 2 ans. Pour les patients éligibles au cisplatine et porteurs d’un cancer de l’oropharynx à bas risque HPV positif, cette molécule reste le standard.
Radiothérapie avec cetuximab ou cisplatine dans les cancers de l’oropharynx HPV positifs (NRG Oncology RTOG 1016) : essai randomisé, multicentrique, de non-infériorité Maura L Gillison, et al. Lancet. 2018 Nov 15. pii: S0140-6736(18)32779
Justificatifs et objectifs
Les patients porteurs d’un cancer ORL lié à l’HPV ont une excellente survie lorsqu’ils sont traités par radiothérapie et cisplatine. Son remplacement par le cetuximab afin de garder une bonne efficacité tout en réduisant les toxicités reste une inconnue. Cette étude avait pour objectif de répondre à cette inconnue.
Méthodes
Il s’agit d’une étude de phase III multicentriques (182 centres) de non infériorité incluant des patients porteurs d’un cancer de l’oropharynx HPV positif classés T1–T2, N2a–N3 M0 or T3–T4, N0–N3 M0 ; OMS 0 ou 1 ; âgés de plus de 18 ans. La randomisation était en 1:1 pour recevoir une radiothérapie accélérée en modulation d’intensité (70 Gy en 35 fractions mais en 6 semaines et 6 fractions par semaine) associée au cetuximab (400 mg/m² en dose de charge suivi de 7 injections hebdomadaires à 250 mg/m²) ou au cisplatine (100 mg/m² aux J1-J22). La randomisation était stratifiée sur les stades T et N, selon l’OMS et le statut tabagique (≤10 PA versus >10 PA). L’objectif principal était la survie globale.
Résultats
Entre Juin 2011 et juillet 2014, 849 patients ont été inclus avec 424 dans le bras cisplatine et 425 dans le bras cetuximab, sans déséquilibre entre les deux bras. L’âge médian était de 58 ans avec 90% d’hommes. Il y avait 62% de T1/T2 et 86% de patients N2a-b-c. Un total de 9% de patients ont reçu les 2 cycles de cisplatine avec une dose médiane de 184,7 mg/m² et 85% des patients ont reçu les 7 injections de cetuximab. La compliance à la radiothérapie était bonne. Après un suivi médian de 4,5 ans, l’association radiothérapie-cetuximab n’a pas montré de non infériorité en termes de survie globale, HR 1,45 ; p = 0,5056. La survie globale à 5 ans dans le bras cetuximab était de 77,9% (IC95% 73,4–82,5) versus 84,6% (80,6–88,6) dans le bras cisplatine.
La survie sans progression était significativement plus faible dans le bras cetuximab comparé au cisplatine ; HR 1,72 (IC95% 1,29–2,29 ; p = 0,0002) et le taux de rechute locorégionale plus important dans le bras cetuximab ; HR 2,05 (IC95% 1,35–3,10) ; Les toxicités aiguës modérées à sévères (77,4%, IC95% 73,0–81,5 versus 81,7%,IC95% 77,5–85,3 ; p = 0,1586) et tardives modérées à sévères (16,5%, IC95% 12,9–20,7 versus 20,4%, IC95% 16,4–24,8 ; p = 0,1904) étaient similaires entre les deux bras.
Analyse
Comparé au schéma standard associant le cisplatine à la radiothérapie, le cetuximab impacte négativement la survie globale et la survie sans progression. Pour les patients éligibles au cisplatine et porteurs d’un cancer de l’oropharynx HPV positif, cette molécule reste le standard.
Yoann POINTREAU,
Oncologie Radiothérapie,
Coordonnateur journal GORTEC
Centre Jean Bernard
Clinique Victor Hugo
72000 Le Mans
Service de radiothérapie,
Centre de Cancérologie
Henry S. Kaplan CHU de Tours,
37000 Tours