Rôle du fractionnement de la radiothérapie dans les cancers ORL : une mise à jour de la méta-analyse MARCH. Tirée de : Role of radiotherapy fractionation in head and neck cancers (MARCH): an updated meta-analysis. B, Szutkowski Z, Suwiński R, Poulsen M, O'Sullivan B, Corvò R, Laskar SG, Fallai C, Yamazaki H, Dobrowsky W, Cho KH, Garden AS, Langendijk JA, Viegas CMP, Hay J, Lotayef M, Parmar MKB, Aupérin A, van Herpen C, Maingon P, Trotti AM, Grau C,Pignon JP, Blanchard P; MARCH Collaborative Group. Lancet Oncol. 2017 Sep;18(9):1221-1237.

Justificatifs et objectifs

La méta-analyse MARCH a démontré que l’utilisation de fractionnement modifié permettait d’allonger la survie globale et sans progression des patients atteints de cancers ORL. Le bénéfice le plus important était observé avec l’hyperfractionnement. Cette mise à jour vise à confirmer et expliquer la supériorité de l’hyperfractionnement sur les autres formes de modifications de fractionnement de la radiothérapie et d’évaluer le bénéfice des modifications du fractionnement en cas d’utilisation de chimiothérapie concomitante.

Méthodes

Pour cette mise à jour, les auteurs ont analysé les bases de données de bibliographie, les registres d’essais et les comptes-rendus de congrès à la recherche d’essais randomisés, publiés ou non, réalisés entre le 1er janvier 2009 et le 15 juillet 2015, qui comparaient la radiothérapie définitive ou postopératoire à fractionnement conventionnel versus à fractionnement modifié (comparaison 1) ou bien la radiothérapie à fractionnement modifié versus l’association chimiothérapie concomitante et radiothérapie à fractionnement conventionnel (comparaison 2). Les essais devaient avoir inclus des patients avec un cancer de la cavité orale, de l’oropharynx, du larynx ou de l’hypopharynx non métastatique. Les essais ont été séparés en trois groupes selon le type de fractionnement : hyperfractionnement (HF), accélération modérée (AM, pas de diminution de dose) ou accélération importante (AI, avec diminution de dose). Les données individuelles ont été récupérées pour tous les patients. L’analyse a été réalisée avec un modèle à effets fixes et selon le principe de l’intention de traiter. Le critère de jugement principal était la survie globale.

Résultats

La comparaison 1 a inclus 33 essais et 11 423 patients. La radiothérapie à fractionnement modifié était associée à une augmentation de survie globale (hazard ratio [HR] 0,94, 95% CI 0,90–0,98; p=0,0033 ; bénéfice absolu à 5 ans : 3,1%) Il existait une interaction significative entre le bénéfice en survie globale et le type de radiothérapie (p=0,051). Le bénéfice en survie globale était restreint au groupe d’hyperfractionnement (HR 0,83 ; 0,74–0,92), bénéfice à 5 ans : 8,1% (3,4-12,8). La comparaison 2 a inclus cinq essais et 986 patients. La survie globale était inférieure en cas de fractionnement modifié en comparaison à la radiochimiothérapie concomitante avec fractionnement conventionnel (HR 1,22 ; 1,05–1,42; p=0,0098 ; bénéfice à 5 ans : –5,8%).

Analyse

Cette mise à jour permet de doubler le nombre d’essais et de patients inclus dans la méta-analyse MARCH. Elle permet de confirmer le bénéfice en survie de la radiothérapie à fractionnement modifié, ainsi que de la supériorité en survie globale pour l’hyperfractionnement. Une explication proposée par les auteurs est le meilleur contrôle ganglionnaire en cas d’hyperfractionnement, potentiellement lié à l’augmentation de la dose (les schémas d’hyperfractionnement délivrent en général 10 Gy de plus que les schémas conventionnels, par le biais de deux fractions quotidiennes de faible dose). La méta-analyse fait donc de la radiothérapie hyperfractionnée un standard aux côtés de la radiochimiothérapie concomitante dans les cancers ORL localement avancés. L’analyse des toxicités montre l’augmentation des toxicités aiguës associées à l’utilisation de modification de fractionnement, mais l’absence d’augmentation des toxicités tardives, ce qui la distingue de la radiochimiothérapie, où les toxicités tardives sont significativement augmentées par rapport à la radiothérapie seule. En cas d’utilisation de chimiothérapie concomitante, l’utilisation d’une accélération de la radiothérapie n’améliore pas la survie des patients. En revanche l’utilisation combinée d’hyperfractionnement et de chimiothérapie concomitante est une piste à explorer dans des essais thérapeutiques.

PIERRE BLANCHARD,
département de radiothérapie ORL,
Gustave Roussy